Extrait…

« Je me suis toujours engouffrée dans une lecture du soir, corps et âme. Vitale, elle le devint plus encore pendant le Covid : comme d’autres, je fus contrainte à un voyage autour de ma chambre et de ma biblio­thèque. Pourquoi, en cette période de déroute, ai-je voulu me mettre au chevet des écrivains ? Tout m’y poussait. J’avais beaucoup de temps devant moi, pour la première fois depuis des décennies ; beaucoup de temps libéré par le malheur et l’absence, mais aussi par l’arrêt de la vie, sociale et en partie professionnelle, et ensuite, par son ralentissement bienfaisant. J’ai trouvé l’énergie pour écrire ce livre et même, ultime paradoxe, pour en achever la réflexion par un grand thème littéraire autant que personnel : la claustration heureuse, manière de faire la nique au destin et de redonner un sens à ce grand bouleversement des temporalités.

J’ai souhaité organiser des rencontres et des contrepoints entre la littérature et les sciences sociales – surtout l’histoire et l’anthropologie. Nourris de compassion, tous ces livres pourvoient une consolation possible, l’espoir de matins qui chantent. »

L’impitoyable aujourd’hui, parution le 7 septembre 2022, 24,90 €, 160 x 220, 384 pages, ISBN : 9782081496767. 

Emmanuelle Loyer est professeure d’histoire contemporaine à Sciences Po Paris. Elle est l’auteure de nombreux ouvrages, dont une biographie de Claude Lévi-Strauss (Flammarion, 2015), couronnée par le prix Femina Essai et traduite en dix langues.

Le livre…

Voilà un essai original qui choisit de faire dialoguer la littérature et les sciences sociales, la fiction éclairant sans cesse le réel : un sublime manifeste pour la littérature, qui montre combien celle-ci est indispensable à la compréhension des crises de notre temps.

Emmanuelle Loyer évoque par exemple les figures littéraires de la fin du monde, l’écriture de la catastrophe qui fait écho à l’anthropocène et à l’effondrement écologique d’aujourd’hui. Ou encore le rôle d’observatoire qu’a joué le roman au XIXe siècle, sa plasticité ayant permis d’enregistrer la discordance des temps de la vie moderne, les reliquats de l’ancien monde, le refus du nouveau, mais aussi l’infinie diversité des métissages entre les deux.

L’auteure privilégie ainsi le récit et l’analyse par cas de ce qui nous concerne tous : notre rapport au temps, la vieillesse et la mort, la modernité capitaliste, l’accélération numérique, etc. L’histoire, les sciences sociales et la littérature se rejoignent ici pour penser de manière novatrice nos modes d’existence.