Extrait…

« Joëlle Kauffmann, février 1988 : “La nuit avant qu’il ne parte, nous nous sommes disputés sur des détails. En réalité, j’étais furieuse de son départ et je n’ai pas su le lui dire.”

À 17 h 40, le long-courrier en provenance de Paris se pose à l’aéroport de Khaldé. Les deux Français débarquent en pleine zone de tempête. Obus, roquettes, rafales de kalachnikovs, difficile de savoir qui tire et qui riposte entre factions pro-syriennes et partisans d’Arafat. C’est quelque part sur cette route que se perd la trace de Michel Seurat et de Jean-Paul Kauffmann. Ma mère compose le numéro de Christian Casteran et vient aux nouvelles. Ainsi, personne ne l’a prévenue ? Ignorait-elle que son mari, débarqué la veille à l’aéroport de Beyrouth, n’avait jamais rejoint son hôtel de Hamra Street ?

Instant sismique, où les choses de la vie semblent quitter leur cadre de perception ordinaire. La rupture avec la minute d’avant est telle, la commotion si violente que l’être en ressort scindé, comme étranger à lui-même. Plus tard, ma mère étouffe dans le rôle d’épouse tenue au silence, suspendue aux consignes elliptiques de fonctionnaires qui la prennent de haut. Elle s’apprête à adopter une posture moins accommodante. »

L’enlèvement ; Une histoire intime de l’affaire des otages français au Liban, parution le 13 septembre 2023, 22,90 €, 145 x 220, 360 pages, ISBN : 9782080206145. 

Grégoire Kauffmann est enseignant à Sciences Po Paris. Il est aussi historien, spécialiste des XIXe et XXe siècles. Il a publié notamment Édouard Drumont (2008, prix du Sénat du livre d’histoire) et récemment Hôtel de Bretagne (2019).

Le livre…

Le 22 mai 1985, le journaliste Jean-Paul Kauffmann et le chercheur Michel Seurat disparaissent peu après leur atterrissage à Beyrouth. La nouvelle de l’enlèvement est finalement rendue publique quatre jours plus tard. Tenue à l’écart des informations, son épouse, Joëlle Brunerie-Kauffmann, se lance dans un combat effréné pour libérer son mari. Elle est bientôt soutenue par un collectif qui rayonnera dans toute la France. L’auteur, fils de Jean-Paul Kauffmann et historien, retrace ce temps fort de la France des années quatre-vingt, à l’apogée de la gauche mitterrandienne, tout en y mêlant ses souvenirs d’enfant qui a vécu ce drame de l’intérieur.