Extrait…

« J’ai vu pour la première fois cet automne les feuilles tomber les unes après les autres dans le jardin du Luxembourg. Partout autour de moi la mort prenait son temps pour les arracher une à une des branches et les jeter à terre. L’œil trop pressé, distrait par l’engrenage des secondes, n’y voyait rien. Un jour les feuilles jonchaient le sol et on disait “l’automne est en avance cette année”. On ramassait un marron pour se protéger des rhumatismes, il était doux sous la paume, un morceau d’enfance dans la poche.

Le temps s’est embrasé il y a quinze ans lorsque le train de sept heures est passé sur le corps de ma mère. Pour ne rien savoir de sa mort, je traversais l’existence au passé. Le bruit de mes pas sur le gravier des souvenirs recouvrait la possibilité du présent. Parfois, je m’arrêtais devant une statue, je lui demandais si elle avait vu passer un petit garçon insouciant – ce n’est pas vrai, je ne l’ai jamais été – et cette statue était souvent le buste de Stefan Zweig. Il n’avait aucune mémoire de cet enfant et lui-même, je l’enviais pour ça, avait préféré l’exil et la mort à la rumeur du monde. »

La nuit imaginaire, parution le 23 août 2023, 21 €, 135 x 210, 240 pages, ISBN : 9782080427595.  

Hugo Lindenberg est né en 1978. Son premier roman, Un jour ce sera vide (Christian Bourgois éditeur, 2020, prix du Livre Inter 2021) a connu un incroyable succès. La nuit imaginaire est son deuxième roman.

Le livre…

« L’automne. J’y décelais une invitation inédite à remettre à l’heure les aiguilles de mon présent. Après l’hiver, plus rien ne serait jamais figé. »

Un jeune étudiant sans véritables attaches, plus enclin à rêver sa vie qu’à la vivre, se prend la réalité de plein fouet quand sa tante lui révèle les circonstances précises du suicide de sa mère un matin de septembre sur les rails de la gare de Lyon. Il avait six ans alors. Cette annonce l’expulse de son quotidien immobile et l’ébranle : mais vers où aller ? Que faire d’une vérité pareille ? Chercher à la comprendre en rencontrant quelques vieux amis qui ont connu sa mère à l’époque ? Chercher à s’en éloigner en franchissant une frontière, celle de la boîte du Hangar, où les fantasmes de garçons s’assouvissent enfin loin et tard dans la nuit ?

Tout est soudain possible ou nécessaire dans ce Paris qu’il traverse comme on traverse le passé. Il est peut-être temps de quitter les nuits imaginaires et d’avoir le courage de se jeter « pour la beauté du geste, la tête la première dans le grand bain ».