Extrait…

« Je ne savais qu’une chose : cette femme faisait peur. Elle me faisait peur. La férocité de son suicide me terrifiait. Et d’en avoir raconté l’atrocité me sidérait. Cela dépassait mon entendement. Pour moi, quelque chose ne collait pas. Deux choses ne collaient pas.

  1. Qui se suicide en y mettant un temps fou ?
  2. Et qui, se suicidant en y mettant un temps fou, en témoigne par écrit, se regardant méticuleusement mourir à petit feu, comme une hallucination morbide – ou une volupté innommable ?

Pourtant, quelque chose m’attirait chez cette femme. Je me sentais proche de sa monstruosité. Inexplicablement proche. À la façon de deux aimants aux pôles inversés : ils se repoussent et s’attirent à la fois. Ce sentiment m’effarait, au point que c’est de moi que j’avais peut-être peur. »

Le cœur ne cède pas, parution le 31 août 2022, 26 €, 152 x 240, 876 pages, ISBN : 9782080247377. 

Grégoire Bouillier est l’auteur de Rapport sur moi (Allia, 2002, prix de Flore), L’Invité mystère, Cap Canaveral (Allia, 2004, 2008) et du Dossier M, Livres 1 et 2 (Flammarion, 2017 et 2018, prix Décembre), tous très remarqués par la critique.

Le livre…

Cela fait trente ans que Grégoire Bouillier se souvient d’avoir entendu à la radio l’histoire de cette femme d’une soixantaine d’années qui s’était laissée mourir de faim dans son appartement parisien tout en tenant le journal de son agonie. Et puis un beau jour, le désir se fait impérieux : il lui faut chercher un nom derrière le fait divers et comprendre ce qui pousse un être humain à s’infliger – ou à infliger au monde – une telle punition.

L’auteur s’engage alors dans une quête frénétique, car il y a indéniablement un plaisir à enquêter, c’est-à-dire à chercher et à récolter tout ce qui pourrait rendre compte d’une vie inconnue : les archives éparpillées dans toute la France, la généalogie disséquée, ce que mourir de faim veut dire, l’époque de la collaboration, l’enfance, les photos à faire parler, les lieux à visiter… Bref, tout ce qui s’offre à la patience du chercheur qui se mue ici en un véritable détective et, avec l’aide de sa fidèle (et joyeuse) assistante Penny, n’hésite pas, pour enrichir toute cette géographie humaine, à recourir à toutes sortes de fictions. « Élucider, écrit l’auteur, voulant dire ici non pas faire toute la lumière sur le drame mais clarifier les termes mêmes de sa noirceur. » Et Grégoire Bouillier de le faire non sans la gaieté indispensable et l’appétit de savoir propre à toute entreprise visant une plus profonde connaissance des autres et de soi.